2009年5月9日 星期六

Frégates de Taïwan : le secret-défense n'évitera pas l'amende

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Décryptage
Frégates de Taïwan : le secret-défense n'évitera pas l'amende
Par David Servenay | Rue89 | 07/05/2009 | 12H49

Epilogue : le contribuable devrait payer 1,5 milliard. Mais l'Etat refuse toujours de dire où sont allées les fameuses commissions.
1,5 milliard d'euros : même à l'heure des scandales de Wall Street, l'amende a de quoi faire rêver. Ce pactole, qui selon le Parisien va être réglé par le contribuable français, est l'épilogue de l'affaire des Frégates de Taïwan. Une affaire couverte par tous les gouvernements de ces quinze dernières années, en dépit du bon sens. Où l'Etat a abusivement étendu la notion de secret-défense pour protéger des intérêts privés. Décryptage.

Un contrat mirifique, au moins 20% de commissions

Le contrat de la décennie. Lorsque Thales et la DCN (Direction des chantiers navals) signent le contrat Bravo en 1991, le monde des marchands d'armes applaudit : la France vend six navires de guerre pour 2,5 milliards de dollars. Joli marché.

En sous-main, les deux parties négocient un énorme pot-de-vin. Au bas mot 500 millions de dollars versés à Andrew Wang, un intermédiaire d'origine chinoise aujourd'hui réfugié à Londres. L'homme sert de lessiveuse à commissions, c'est-à-dire qu'il doit normalement reverser une partie de la commission à d'autres bénéficiaires, français et taïwanais.

L'intervention de ces intermédiaires tient d'abord à un contexte diplomatique. Malgré le caractère étatique de la négociation, il ne faut pas froisser la Chine en vendant des armes à l'ennemi héréditaire. C'est ce que dit en 1991 une note confidentielle du ministère de la Défense, citée par le Parisien :

« Pour des raisons connexes diplomatiques et juridiques, il était exclu de faire du programme Bravo un contrat étatique. Il a donc été nécessaire de recourir à des partenaires contrôlés par les Etats commanditaires. »


L'intervention des réseaux Elf et des services secrets

Cela explique pourquoi on retrouve dans le « deal » le nom d'Alfred Sirven. Cet ancien militaire -proche de Christine Deviers-Joncours, alors maîtresse du ministre des Affaires étrangères Roland Dumas- évolue dans un réseau de l'Amicale des anciens des services secrets de la Défense nationale. Eminence grise du patron d'Elf-Aquitaine, il est aussi l'homme qui distribue dans son bureau les valises de cash du pétrolier destinées au monde politique.

Deux hommes politiques français attestent publiquement ce que le juge Renaud Van Ruymbecke, saisi en 2001, soupçonne :

Roland Dumas confirme, dans un entretien au Figaro, qu'environ 500 millions de dollars de commissions ont bien été versés.
En 2006, le socialiste Alain Richard, ex-ministre de la Défense, accuse François Mitterrand et Edouard Balladur d'avoir bénéficié de rétro-commissions.
En résumé, cette affaire touche aussi bien des élus de droite que de gauche.

Le piège de l'article 18 du contrat Bravo

A partir de 2001, la France et Taïwan engagent, à l'initiative de l'île, une procédure d'arbitrage. Pourquoi ? Parce que l'article 18 du contrat Bravo interdit toute commission et tout recours à un intermédiaire. Sans quoi la partie fautive aura à rembourser l'équivalent du pot-de-vin versé.

Taïpeh est donc sûr de gagner cette procédure d'arbitrage. Tout le monde le sait, y compris les négociateurs français qui, entre 2005 et 2007, tentent de sauver les meubles. L'un d'eux s'est confié, anonymement, à nos confrères :

« En arrivant, nous avons très vite intégré l'idée que l'affaire était perdue et même si nous espérions la bienveillance des arbitres nous savions que la France risquait d'être condamnée au maximum. (…) Dans ces conditions notre stratégie consistait à essayer de convaincre Taïwan de transiger, mais les Taïwanais n'étaient prêts à aucun effort. (…) Au final, nous avons fait comme tous les autres gouvernements. Nous avons joué la montre afin de refiler le mistrigri à nos successeurs… »


Ne pas ouvrir la boite de pandore

Dans le cadre de leur enquête, les juges demandent, à trois reprises, la levée du secret-défense sur les DAS 2. Les Déclarations annuelles de salaires (volet 2) sont des listes, remises une fois par an à la direction des douanes, par les entreprises qui versent des commissions à des intermédiaires étrangers. Le ministère des Finances les autorise à ne pas payer d'impôts sur ces sommes.

Les DAS 2 comprennent le nom du contrat, l'identité du bénéficiaire et le montant de la commission. Or, à chaque demande, les juges se heurtent au secret-défense invoqué par la Commission consultative du secret de la défense nationale et validé par tous les gouvernements, de droite comme de gauche.

Question : pourquoi, dès lors que l'on savait que la France aurait à payer l'amende inéluctable de la procédure d'arbitrage, avoir estimé que la révélation des DAS 2 porterait atteinte aux « intérêts supérieurs de la Nation » ?

De Sarkozy à Sarkozy, se passer le mistrigri…

Comme le révélaient nos amis de Bakchich, deux hommes ont certainement des lumières sur cette question. A l'époque où les commissions furent versées, ils étaient au coeur de la tour de contrôle gouvernementale.

Le premier, Nicolas Bazire, est alors directeur de cabinet du Premier ministre, le RPR Edouard Balladur. Il a pour mission de suivre tous les enjeux liés aux contrats d'exportation d'armement. Le second, Nicolas Sarkozy, est ministre du Budget. Les deux hommes forment un tandem au service des ambitions présidentielles de Balladur.

En 1994, DCN International créé une off-shore au Luxembourg. Cette société fiduciaire, Heine S.A., a pour but de « gérer des contrats d'ingéniérie commerciale ». En clair, de mettre de l'huile dans les rouages. En six ans, elle déclare un chiffre d'affaires de 77 millions d'euros.

En novembre 2007, le parquet de Paris explique dans un rapport dressé après enquête de la DNIF (Division nationale des investigations financières), qu'un document saisi par les policiers mentionne :

« l'aval du directeur de cabinet du Premier ministre et celui du ministre du Budget, et laisse supposer des relations ambiguës avec les autorités politiques en faisant référence au financement de la campagne électorale de M. Balladur pour l'élection présidentielle de 1995 ».


Prudent, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, estime alors qu'il n'y a pas lieu d'étendre le champ de l'enquête à ces faits. Officiellement, ils sont prescrits.

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